Romans et Révolution

  • Par lexen
  • Le 13/12/2021
 

 Les romans sur la Révolution française, s'ils relèvent  du roman historique, forment, vu l'extension du sujet, comme une entité autonome ayant son propre espace-temps .

fabrique romanesque/fabula.org

Un compte rendu plus synoptique de cet ouvrage collectif Les romans de la Revolution met en exergue une périodisation littéraire   en quatre moments principaux  :

« Le projet consistait d’abord à établir un corpus des romans ayant pour sujet la Révolution française, et publiés entre 1790 et 1912 :  plus  de  deux  cents  œuvres  au  total,  dont  l’ensemble  ne  prétend  pas  à  l’exhaustivité mais se veut représentatif.  »
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" Le corpus commence avec les romans d’émigrés contemporains de l’événement (en particulier ceux d’Isabelle de Charrière, Lettres trouvées dans des portefeuilles d’émigrés, 1793

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Isabelle de Charriere

Guilhaumou Jacques. Isabelle de Charrière : Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés. 1793. Introduction de Colette Piau-Gillot. Coll. «Des femmes dans l'Histoire ». 1993. In: Dix-huitième Siècle, n°26, 1994.

 

 ou de Sénac deMeilhan, L’Émigré, 1797)

«Il est français, beau, noble, blessé. Elle est allemande, belle, noble, mariée. Elle le recueille dans son château au bord du Rhin, il la sauve d'un incendie. Ils ne pouvaient pas ne pas s'aimer.

Product 9782070401451 195x320 1Sous la plume de Sénac de Meilhan, fils d'un médecin du roi, grand serviteur de l'État monarchique, l'anecdote sentimentale devient le révélateur des tensions et des contradictions dans une Europe bouleversée par la Révolution. Car «tout est vraisemblable, et tout est romanesque, dans la Révolution de la France». Des aristocrates en exil sont contraints au travail manuel, certains sont gagnés par les valeurs nouvelles du mérite personnel et par le refus du classicisme à la française. Les frontières idéologiques et les lignes de partage politique sont déplacées par ce roman, publié à Hambourg en 1797, qui voudrait être le substitut d'une histoire de l'émigration .L'Émigré, ce sont ces royalistes qui ont fui une France à feu et à sang, mais aussi tous les exilés qui, loin de chez eux, sont à la recherche de leur identité. »

jusqu’au roman d’Anatole France, Les  dieux  ont  soif  (1912),  conclusion  ironique  et  distanciée  sur  la  Terreur.  "

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En diachronie, les quatre moments  retenus  sont :


- de  1789  à  1815, "  l’heure  est  à  la  « sidération »  , domine « l’incompréhension face à l’inouï » : la Révolution  est occultée ou mise à distance "


-de  1815  et  jusqu’en  1848, " C’est l’époque des grandes Histoires de la Révolution (Mignet et Thiers dès la Restauration, puis Lamartine, Esquiros, Louis Blanc, Michelet...)... lecture « bourgeoise » de la Révolution, qui aurait dû prendre fin en 1792. "

- de 1848 à 1870 - "  la littérature industrielle s’empare du sujet ;  la  Seconde  République  développe  une nostalgie  pour  la  grandeur  héroïque  de  la Montagne ; certains comme Dumas ou Sue cherchent à écrire une légende républicaine pour le  peuple  et  à  « intégrer  la  Terreur  au  processus  révolutionnaire ». "

- La dernière période, de 1872 à 1912,  est  celle  du  « débat  républicain»   C’est  l’époque  du Quatrevingt-treize (1874) de Hugo, mais aussi du roman d’Élémir Bourges, Sous la hache, « roman crépusculaire » 

« Sous la hache » est un épisode terrible de la chouannerie vendéenne. L’intérêt n’y manque point, et le style en est d’une couleur savante, quelquefois d’une couleur de sang, comme l’époque qu’il raconte.

Elemirbourges

Il y a dans ces pages une puissance sauvage qui fait frissonner, d’admirables paysages peints au couteau, on pourrait dire au couperet. J’ai retenu particulièrement un combat que chouans et bleus se livrent dans une église de village, et qui rappelle, par la fièvre et le mouvement, le fameux combat des blattiers du « Chevalier Des Touches ». (Octave Mirabeau, 1925).