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Comedie-fin du XVIIIe siècle

 L'innovation de la comédie politique selon Beaumarchais met fin, pour l'essentiel, à  la comédie du 18e siècle ( la représentation du Mariage de Figaro ne fut permise qu'en 1784 ) . Cela ne va pas sans quelque éclaircissement critique de l'après-Molière,  sans l'influence de la comédie dite sérieuse, et de sa théorisation .

L'opinion antimoderne du romancier, critique, journaliste,  Barbey d'Aurevilly,
présente de ce point de vue quelque intérêt, au moins quant à l'expression. 

Il rend compte d'une  nouvelle édition des œuvres  de Diderot,  en premier lieu dans le journal Le Constitutionnel,   et s'arrête en particulier sur l'ambition  du philosophe en matière d'art dramatique, retraçant ce qui lui paraît étre la tendance principale de cette période  du 18e siécle finissant .
Il fait ressortir, peut-être avec excès, l'influence du système La Chaussée de la comédie larmoyante jusque chez Beaumarchais . Plus encore, il voit perdurer cette influence dans le drame romantique :

« Les drames de Diderot, malgré l’influence des philosophes, malgré les coteries de son temps, malgré le monstrueux ascendant de l’Encyclopédie sur l’opinion d’alors, tombèrent, et, garantie de leur chute ! ne furent pas repris, si ce n’est le Père de famille, dont La Harpe a dit qu’il« n’y a pas de pièces aussi peu suivies », et qui fut, nonobstant, joué jusqu’en 1833, pour définitivement disparaître.

 

Comedie-fin XVIIIe siècle

 «....le crime de Diderot et de ses théories c’est de nous avoir gâté un homme plus fort que lui en nous gâtant Beaumarchais, — car il faut bien mettre au compte de Diderot Eugénie et la Mère coupable ;  c’est d’avoir retardé l’avènement et hâté la fin d’un homme d’esprit et de génie, qui s’est débattu longtemps dans le pathos de Diderot avant de naître à des chefs-d’œuvre, et qui, ténacité des influences premières, a fini par y retomber !

Eugenie - Beaumarchais

« De tous les sujets qu’il a touchés, le théâtre est celui sur lequel il a appuyé davantage. Les pièces qu’il a fait jouer ou qu’il pouvait faire jouer sont peu nombreuses : c’est le Fils naturel, le Père de famille, les Pères malheureux, le Joueur, imité de l"anglais , et la comédie de :  Est-il bon ? Est-il méchant ?  …Mais les éditeurs de ses œuvres,  (...) l’ont vidée de tout le fretin qu’elle contenait et nous ont composé presque un volume avec les plans et les ébauches de pièces  qu’il avait le projet d’achever. Il y a là les Deux Amis, le Libertin puni,  une tragédie romaine intitulée Terentia, une autre tragédie intitulée  l’Infortunée. Hélas ! toutes les pièces de Diderot pourraient bien porter ce nom-là. Ce volume de plans et d’ébauches montre à quel point l’idée de théâtre travaillait Diderot. S’il n’était pas né un homme de génie ni même de talent dramatique, il était né comédien et gesticulateur. Les conversations qu’on trouve dans ses œuvres sembleraient annoncer qu’il avait le ferraillement du dialogue et la botte de la réplique, choses si importantes à la scène ; mais, justement, ce qui lui donnait une valeur relative dans les conversations introduites par lui jusque dans ses romans, c’est qu’il pouvait y être Diderot, puisqu’il s’y mettait en scène, et que, dans ses pièces, au contraire, il ne pouvait sans détonner rester Diderot. Cet esprit turgescent n’était pas capable de l’effort de s’oublier. »

 

Sur la préface d ' Eugénie

 

 Beaumarchais, dans la préface d'Eugénie, indique  avoir puisé le sujet de cette pièce chez Lesage, Histoire des amours du Comte  de Belflor, et de Léonor de Cespèdes, une nouvelle du  Diable Boîteux ; mais par ailleurs , il prend pour modèle un drame, Le Père de Famille de Diderot.

La nouvelle de Lesage ( une diablerie selon le récit d'Asmodée le narrateur) répond à un schéma habituel de comédie ayant pour thème  le mariage. Des obstacles sont à surmonter jusqu'à  la scène finale. En l'occurence, l'obstacle  à déjouer est celui d'un stratagème de séduction attentatoire à l'honneur de la famille Cespèdes.
 La nouvelle se termine par un double mariage : le Comte de Belflor épouse Léonor de Cespèdes, et son frère don Pèdre se marie avec la sœur du Comte, Eugénie.

Auparavant, afin de venger l'honneur des Cespèdes, le frère de Léonor, a été appelé par Don Luis le père, contre Belflor le séducteur. Sur son chemin Don Pèdre, désireux de revoir une dame qu'il amait mais dont il ignorait le nom, manque de périr au cours d'une rixe. Bien qu'habile escrimeur " il n'aurait pu éviter sa perte, si le comte de Belflor, qui passait alors par cette rue, n'eût pris sa défense". La suite de l'intrigue  rend possible le mariage de don Pèdre avec la dame qu'il aimait et qui n'est autre que la sœur du comte de Belflor. Don Luis, le père, de son côté ayant pardonné à Belflor : " Souffrez que j'oublie mon ressentiment dans vos bras", le comte peut épouser Léonor.  Quant au stratagème de séduction, c'est la duègne de Léonor, dame Marcelle, qui en répond, et elle  finit dans la prison d'un couvent.

Beaumarchais qui ne  s'attribue pas " le mérite d'être auteur"  reste sur sa faim après la lecture de "cette petite nouvelle Espagnole (....) Le faible parti que j'en ai tiré "  ajoute-t-il " laissera peu de regrets" . Il se lance alors dans la fabrique du plan de son drame, mais se décourage, puis abandonne.

 

pierre augustin caron de beaumarchais en saint aubin augustin axbtv1b69421265 1Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, en buste, de profil à droite, dans un médaillon circulaire se détachant sur un fond rectangulaire auquel il est appendu par un noeud de ruban : [ estampe]-1773  

Relation  Notice de recueil : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb38793010k


 En 1765, note le dix-huitiémiste René Pomeau , de retour d'Espagne, il n'a pas le temps d'écrire une nouvelle pièce, le succès de Sedaine avec  Le Philosophe sans le savoir  " l'incite à extraire de ses cartons son drame d'Eugénie ".
Depuis Destouches ¹, La Chaussée, Mme de Graffigny, Voltaire, Sedaine, jusqu'à Diderot  qui théorise sur les progrès de la sensibilité et l'illustre  avec sa pièce  Le Père de Famille, ce genre  à la mode s'impose à la société et suscite la vive admiration  de Beaumarchais. C'est, à cette époque, le modèle qu'il veut imiter.
Ainsi, du sujet de cette nouvelle de Lesage, les personnages principaux et les péripéties essentielles étant conservés, il opère un déplacement de signification, en chassant ce qui relève de la comédie plaisante qu'il déclare immorale.

Quitte ensuite à vouloir moralser le comique plaisant " Me livrant à mon  gai caractère, j'ai depuis tenté dans  Le Barbier de Séville, de ramener au théâtre  l'ancienne  et franche  gaieté en l'alliant  avec le ton léger de notre plaisanterie actuelle", préface du Mariage de Figaro .

¹ auteur dramatique qui précède La Chaussée, Destouches fait représenter à la Comédie Française sa comédie le Glorieux en 1732, c'est aussi l'année de naissance de Pierre-Augustin Caron.


 

 

Date de dernière mise à jour : 18/11/2023