est l'auteur de comédies dites sérieuses ou larmoyantes, c'est selon, telle Mélanide ( 1741), qui connut à son époque et au delà, un réel succès.
Aujourd'hui son théâtre ne connait plus guère la scène, « mais il faut prendre garde que l'esprit, le ton, les ambitions en survécurent au moins un siècle et demi » *
L'histoire littéraire retient le nom de La Chaussée tant à l'article comédie qu'à celui de drame.
Si son génie n'est pas évident, surtout quant au style, son talent se manifeste au moment où la société bourgeoise parisienne se lasse de voir sur scène les Géronte, les Orgon, les Monsieur Jourdain, et autres dancourades. Ce que Destouches et Marivaux ont pressenti, La Chaussée l'exprimera avec plus de netteté, avant les théories de Diderot sur le Théâtre des conditions
* Jacques Truchet, notice sur Mélanide p. 1471 in Théâtre du 18e siècle I, Pléïade,Gallimard - ( le Glorieux de Destouches figure également dans ce volume. )
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Sur un aspect de sa modernité
G. Lanson, dans sa thèse Nivelle de la Chaussée et la comédie larmoyante,** remarque en particuler chez ce dramaturge une économie de moyens dans la distribution des rôles.
Avec Mélanide, comparée aux autres pièces, Lanson montre que l'auteur pousse à bout les conséquences de son système :
« dans La Fausse Antipathie, il y avait encore un valet et une soubrette, qui, selon la formule de Destouches, faisaient l'exposition. Dans Le Préjugé, le valet ne disait que quelques mots, et la soubrette ne faisait pas grand'chose. Dans l'École des amis, le valet avait disparu; la soubrette n'était mêlée qu'à un ou deux incidents de l'action. Dans Mélanide, pas plus de soubrette que de valet:».***
Si l'on met de côté l'imbroglio mélodramatique de l'intrigue , cette dernière pièce suit un schéma traditionnel de comédie où les personnages ont à surmonter les obstacles d'un mariage empêché . Le retour à l'équilibre , propre à la comédie, ayant lieu généralement lors de la dernière scène
Boilly Louis Léopold, L'effet du mélodrame, Versailles; musée Lambinet
Dans Mélanide, six protagonistes mènent le jeu et relèvent d'un même niveau de langage, d'une éthique commune : soit, le personnage éponyme et son fils Darviane; Rosalie -dont celui-ci est amoureux depuis l'enfance- et sa mère Dorisée amie de Mélanide. L'action se déroule chez Dorisée, Mélanide venant de Bretagne. Outre Darviane, les deux autres personnages masculins sont Théodon l'oncle de Rosalie, et le marquis d'Orvigny sur qui repose le romanesque des évènements.
Chez Destouches****, au contraire, dans Le Glorieux , c'est au valet et à la soubrette qu'il appartient de faire l'exposition. S'y ajoute une inflation de domesticité, factotum et laquais renvoient à une dualité de niveaux de langage, jusqu'à l' impossibilité de communiquer. Par ailleurs, la morale matérialiste du bourgeois Lisimon a peu de points communs, ici, avec celle du Comte de Tufière, le Glorieux, dont l'orgueil s'appuie sur des valeurs qu'il prétend attachées à son rang.
Une dizaine d'années, à peine, séparent le Glorieux (1732) de Mélanide (1741), pourtant la pièce de Destouches, visant le même objet de comédie dite sérieuse, laisse comme un impression d'Ancien Régime, et Mélanide qui s'est vue qualifiée de tragédie du tiers état, semble porter un sentiment général dejà différent, traduire de nouvelles manières d'être .
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** Paris, librairie Hachette et Cie 1887
*** opt cit pp 151-152
**** Du Glorieux de Destouches, F. Brunetière écrit, in Histoire de la Littérature française classique tome troisième, page 232, : «... il y a dans sa pièce des domestiques, un beau-père, une belle- mère, un père, dont les sentiments n'évoluent en aucune façon et n'agissent guère les uns sur les autres. Tout se passe en paroles, et il ne résulte de la rencontre des divers personnages, que des incidents qui permettent à la comédie de remplir cinq actes »
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