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Arlequin Mahomet

Alain René LESAGE

ARLEQUIN MAHOMET

Pièce d' un acte
Représentée à la Foire Saint- Laurent en 1714

 

Arleqmahomet- ed. Ganeau

 Image-ed. Ganeau

 

 ARGUMENT

  Une même œuvre peut être à la fois farce et comédie, selon une ligne d' analyse bakhtinienneArlequin Mahomet offre l'exemple d'une pièce où le dispositif farcesque, un coffre volant, n'empêche pas le développement d'une intrigue de  comédie .
On trouvera dans l' ouvrage de V. Barberet *, l'analyse du sujet de cette pièce, en particulier l'origine de son point de départ : un conte oriental appartenant au recueil des Mille et un jours de Pétis de la Croix, connu, à divers titres, de Lesage : un certain Malek se dérobe à ses créanciers en s'enfermant dans un coffre volant.

*Lesage et le théâtre de la Foire, Slatkine Reprints. Réimpression de l'édition de Nancy 1887. pg. 105-107   

PERSONNAGES
ARLEQUIN, faux Mahomet
DAHI, Marchand voisin d'Arlequin.
BOUBEKIR, voyageur et mathématicien
QUATRE ARCHERS
LE ROI de Basra.
LA PRINCESSE, sa fille.
PIERROT, le kam des tartares
LE PRINCE de Perse
LA SUIVANTE DE LA PRINCESSE.
TROUPE D'ESCLAVES ET D' EUNUQUES



La scène est d'abord à Surate, et ensuite à Basra dans les jardins du Ro
i
.

Scènes I à VI

 

Le théâtre représente la cour de la maison d'Arlequin.

SCENE I

ARLEQUIN, seul.


AIR 040 Ecoutez petits et grands (des pendus)


O SORT! O destins ennemis!
Dans quel état m'avez-vous mis:
J'ai voulu tâter du commerce;
J'ai gagné du bien dans la Perse;
Mais la chance hélas! a tourné!
Enfin me voilà ruiné.

SCENE II

ARLEQUIN, DAHI

DAHI

AIR 062 Dupont, mon ami

Je viens à regret,
Ami, vous instruire
De ce qu'en secret
On m'est venu dire

Vos créanciers en ce jour

Veulent vous jouer d'un tour
ARLEQUIN, soupirant
Ouf!

DAHI (air précédent)
Vous les connaissez;
Trompez leur envie.
ARLEQUIN.
Seigneur, c'est assez.
Je vous remercie.
DAHI, s'en allant.
Adieu. Soyez assez fin .
Pour éluder leur dessein.

SCENE III

ARLEQUIN, seul.

AIR 045 Monsieur La Palisse est mort

Marchands, qui dans pareils cas,
Êtes bien sortis d'affaire,
Pour vous sortir d'embarras,
Comment avez-vous pu faire?


SCENE IV

ARLEQUIN, BOUBEKIR.

BOUBEKIR,après avoir mis à terre un coffre qu'il avait sur ses épaules.


AIR 031 Des Folies d'Espagne.

Depuis trois jours que je suis dans Surate,
J'ai su, Seigneur, par quelques commerçants
Qu'on doit dans peu mettre sur vous la patte,
Et vous jeter dans les fers pour longtemps.

ARLEQUIN.
Hoïmé!

BOUBEKIR.

AIR 063J'ai fait souvent résonner ma musette ou Te bien aimer,ô ma chère Zélie

Si vous craignez pareille destinée,
Dites-le moi ; parlez confidemment.
Je puis , Seigneur , et dès cette journée,
Vous dérober à l'emprisonnement.

ARLEQUIN
AIR 002 Quand le péril est agréable ou En vain, la fortune ennemie.


Non, non, cela n'est pas possible.
Sans doute on me fait observer ;
Et vous ne sauriez me sauver ,
Sans me rendre invisible.


BOUBEKIR.

AIR 011 Le fameux Diogène

J'ai fait une machine
Qu'on peut nommer divine,
C'est un coffre volant.
Avec cet équipage,
Sans péril on voyage.
ARLEQUIN.
L'ouvrage est excellent.

(même air)
Mais n'est-il point magique?
BOUBEKIR.
Non, non, de mécanique
C'est un ouvrage pur.
Entrez dans ma brouette,
Et faites une traite,
Pour en être plus sûr.

Boubekir va chercher son coffre, sur lequel sont peints des groupes de nuages et un croissant.Il fait entrer Arlequin dedans en lui disant:


AIR 018 Lanturlu

Je vais vous apprendre
Comme il faut monter,
Comme il faut descendre,
Ou vous arrêter,
De quel côté prendre,
Et voler comme un perdu.
ARLEQUIN.
Lanturlu, lanturlu, lanturelu.

Arlequin fait l'essai du coffre. Il en est charmé. Il le baise, embrasse Boubekir, et dit dans l'excès de son admiration:


AIR 009 Du Cap de Bonne -espérance ou Livrons-nous à la tendresse.

O la charmante brouette!
Je l'accepte volontiers.
Je pourrai par ma retraite
Payer tous mes créanciers.
BOUBEKIR.
C'est une des sept merveilles.
J'en veux fournir de pareilles
A tous les banqueroutiers.
ARLEQUIN, à part,
Il en a donc des milliers.
BOUBEKIR, sur le ton des deux derniers vers
J'en ai fait provision
Pour Paris et pour Lyon.

ARLEQUIN.

AIR 028 Allons gai, d'un air gai.

Un si précieux coffre
Vaut mieux que tout mon bien.
BOUBEKIR.
Cependant, je vous l'offre,
Si vous voulez, pour rien.
ARLEQUIN.
Allons, gai, D'un air gai, etc.

Boubekir se retire en faisant des façons pour recevoir une bourse qu'Arlequin lui donne.

SCENE V

ARLEQUIN, seul.

Il s'occupe à munir son coffre de provisions. Il y met du fromage, des cervelats, du vin etc., jusqu'à un pot de chambre. A peine y a t-il mis toute ces choses, qu'il arrive chez lui des archers pour le prendre. Il se jette dans la machine en disant:


AIR 064 Voici les dragons qui viennent.

Voici les archers qui viennent,
Vite sauvons-nous....

 

SCENE VI

ARLEQUIN, QUATRE ARCHERS;

Arlequin s'élève à quinze pieds de terre et se faisant voir aux archers, il chante :


Reprise de l'AIR 065 Un petit moment plus tard ou Sans un petit brin d'amour.

Un petit moment trop tard
La justice est venue...

 

Les archers tirent leurs épées. Ils le menacent; mais Arlequin, se voyant hors de péril, les insulte. Il leur crache au visage, et vide sur eux son pot de chambre. Ensuite il disparait. Les archers le suivent des yeux, et se retirent fort étonnés du prodige qui leur enlève leur proie.
Le théâtre change en cet endroit et représente un bois et un château dans l'enfoncement. Un jeune prince parait appuyé contre un arbre dans l'attitude d'un homme accablé de douleur.
 

 

Scènes VII à IX

  1.  

SCENE VII

LE PRINCE DE PERSE, seul.


AIR 010 Ne m'entendez-vous pas?

Reste-il quelque espoir,
Après cette traverse?
Triste prince de Perse,
Meurs; que ton désespoir
T'enseigne ton devoir.

On voit dans ce temps là passer le coffre d'Arlequin qui s'arrête en l'air.

SCENE VIII

LE PRINCE, ARLEQUIN.

LE PRINCE, sans apercevoir le coffre.

AIR 008 Je ne suis pas si Diable ou O ma tendre musette.

Ciel! Que viens-je d'apprendre!
Ah! quel nouveau malheur!
Ai-je bien pu l'entendre,
Sans mourir de douleur!
Epris de ma princesse,
Un kam la vient, dit-on,
Ravir à ma tendresse.

ARLEQUIN, à part, en descendant de son coffre et s'approchant du prince.
C'est un fripon.

LE PRINCE, sans apercevoir Arlequin.

AIR 066 Malheureuse journée ou Dans les gardes françaises.

Que de cet hyménée,
Mon amour malheureux,
Prévienne la journée
Par un coup généreux.
( Il tire son poignard)
Qu'ici ce fer finisse
En ce moment mes jours.
Reçois ce sacrifice
Objet de mes amours.

Il lève le bras pour se percer. Arlequin l'arrête et lui dit :

ARLEQUIN.

AIR 067 Tes beaux yeux ma Niicole ou Il pleut, il pleut, bergère.

Que votre seigneurie
Modère ses transports.
Quittez la sombre envie
De voir ses sombres bords.
Je prends votre tendresse
Sous ma protection;
Et de votre maitresse
Bientôt je vous fais don.

LE PRINCE.

AIR 045 Monsieur La Palisse est mort.

Vous, qui d'un espoir si doux
Flattez ma mourante vie,
Et sur quoi le fondez-vous?
ARLEQUIN.
Parbleu, sur mon industrie.

LE PRINCE.

AIR 068 Sommes-nous pas trop heureux.

Un kam, que j'ai pour rival,
Veut m'enlever ma maitresse:
Aurez-vous assez d'adresse
Pour parer ce coup fatal?
ARLEQUIN.
Oui, morbleu!
LE PRINCE.
Cette promesse
Dissipe un peu mon effroi.
Si je vous dois ma princesse,
Ami, disposez de moi.

ARLEQUIN.

AIR 025 Quel plaisir de voir Claudine ou Si vous sentez dans vos âmes.

Çà, je vais de ce pas même...
LE PRINCE.
Mais par quelle invention?...
ARLEQUIN.
Suivez-moi. Le stratagème
Naitra de l'occasion.


Ils s'en vont tous deux. Le théâtre change et représente les jardins du roi de Basra, où la princesse se promène avec sa suivante à l'entrée de la nuit.


SCENE IX

LA PRINCESSE, LA SUIVANTE

LA SUIVANTE
AIR 012 Réveillez-vous belle endormie.

 

Cent fois maudit l'astrologue

Qui, quand vous reçûtes le jour,
Nous prédit d'un air pédagogue
Que l'amour vous joûrait d'un tour.


AIR 042 Comme un coucou que l'amour presse ou Jupiter prête-moi ta foudre.

Selon lui, c'est dans cette année
Qu'un homme doit vous attraper :
Du moins, jusqu'à cette journée,
Nul encore n'a pu vous tromper.

LA PRINCESSE.

AIR 069 Branle de Metz ou Ta plainte me désespère (chansons de Collé)

Cependant, le roi mon père
Craint ce que l'on a prédit ;
En repos sur cette affaire,
Il prétend lier mon sort
Au sort d'un sexagénaire,
Que je hais plus que la mort.
LA SUIVANTE.
Le roi votre père a tort.


AIR 060 Pour passer doucement la vie ou Philis plus avare que tendre.

Le ciel, ô princesse adorable,
Vous devait un destin plus doux ;
Et le prince le plus aimable
Est à peine digne de vous.

 

Scène X

SCENE X

LA PRINCESSE, LA SUIVANTE, ARLEQUIN, en l'air dans son coffre

LA PRINCESSE.

AIR 070 Je ne veux point troubler votre ignorance ou Daigne écouter l'amant fidèle et tendre.

Quoi, faudra-t-il, malgré ma répugnance,
Avec le kam vivre jusqu'au trépas?
LA SUIVANTE, levant les mains au ciel.
O Mahomet, de cette violence
Daigne sauver cet objet plein d'appas.

ARLEQUIN, en l'air, et prenant de cette apostrophe, occasion de passer pour Mahomet, dit sur le ton du  dernier  vers.
Oh! le vieux kam, ma foi, ne l'aura pas.

Il n'a pas sitôt chanté ce vers, qu'il disparait. La princesse et sa suivante sont fort étonnées d'avoir entendu ces paroles. La suivante croit que c'est Mahomet qui les a prononcées, et saisie d'une sainte horreur, elle dit à la princesse :


LA SUIVANTE.
AIR 022 La faridondaine.

Vous croyez que c'est Mahomet,
Qui pour vous s'interesse.
LA PRINCESSE.
C'est peut-être quelque follet,
Qui trompe ma tendresse.
ARLEQUIN, sans être aperçu;
Non; c'est Mahomet tout de bon,
La faridondaine,
La faridondon,
Le kam sera votre mari,
Biribi,
A la façon de Barbari,
Mon ami.

LA SUIVANTE.

AIR 044 J'entends déjà le bruit des armes ou Tout roule ajourd'hui dans le monde.

Accordez-nous votre assistance,
Grand prophète des musulmans ;
Donnez-nous en une assurance,
Qui rende le calme à nos sens ;
Et daignez de votre présence
Nous honorer dans ces moments.

ARLEQUIN.

AIR 071 Air d'Atis.

Allons, allons, accourez tous, ( bis)
Mahomet va descendre.

Arlequin descend dans un bosquet épais où il laisse son coffre. Il s'approche de la princesse, qui lui dit avec étonnement :

LA PRINCESSE.

AIR 015 Si dans le mal qui me possède ou Il n'est qu'un pas du mal au bien.

Vous, Mahomet! Quelle jeunesse!
ARLEQUIN.
Suivant les temps, suivant les lieux
J'ai l'air jeune, ou je parais vieux.
Bientôt vous verrez, ma princesse,
Le grand prophète musulman
Plus barbu que le roi Priam.


AIR 024 Tu croyais en aimant Colette ou Réveillez-vous belle endormie.

Je romprai votre mariage;
Je roûrai le vieux kam de coups.
Je veux plus faire : je m'engage
A vous donner un autre époux.

Arlequin à la faveur d'une lanterne sourde présente à la princesse le portrait du prince de Perse, en lui disant :


AIR 023 Laire la, laire lanlaire.

C'est le fils d'un grand souverain
Que vous recevez de ma main.
Voyez les traits de ce compère.
Laire la, laire lanlaire :
Laire la, Laire lanla.

La princesse, après avoir considéré un moment le portrait, se le laisse arracher par sa suivante, qui dit :

LA SUIVANTE.

AIR 052 Robin, turelure lure.

Voilà d'un prince joli
Le portrait en mignature.
ARLEQUIN.
Tudieu! c'est un dégourdi,
Turelure.
LA SUIVANTE.
On le voit à la peinture,
Robin, turelure lure.

( Bas à Arlequin, et lui montrant sa maitresse. )


AIR 072 O gué, lon la, lanlaire.

Elle le trouve aimable,
Sans dire mot.
ARLEQUIN.
C'est, je me donne au diable,
Son vrai ballot.
LA SUIVANTE, toujours bas.
Je prévois, aux graces qu'il a,
Que cet enfant-là
Voudra bien cela.
O gué, lon la, Lanlaire,
O gué, lon la.

ARLEQUIN, cajolant la princesse.

AIR 041 Menuet d'Hésione ou Sous un ciel pur et sans nuages (de Madame de Sevigné)

Expliquez-vous, belle brunette :
Que dit le coeur pour ce grivois?
LA PRINCESSE.
Puis-je mieux faire, grand prophète,
Que d'applaudir à votre choix?

ARLEQUIN.
A
IR 025 Quel plaisir de voir Claudine ou Si vous sentez dans vos âmes.

Vous voulez donc bien, mignonne... (a part)
Peste! quel friand minois! (haut)
Le prophète sent, friponne,
Qu'il s'échauffe en son harnois.

LA SUIVANTE.

AIR 013 Voulez-vous savoir qui des deux ou Monsieur le prevôt des marchands.

Malgré toutes les voluptés
Et toutes les félicités
De votre séjour délectable,
Je crois (mais je puis m'abuser)
Qu'en ce monde une femme aimable
Pourrait fort bien vous amuser.

ARLEQUIN.

AIR 028 Allons, gai, d'un air gai.

Ce grand air de déesse
Et ce charmant souris
Me font, je le confesse,
Oublier mes houris.
Allons gai,
D'un air gai, etc.

LA SUIVANTE.

AIR 026 ou Et zon, zon, zon,Lisette, ma Lisette.

Ont-elles plus d'appas?
ARLEQUIN.
Elles sont moins gentilles ;
Mais, diable! j'en fais cas ;
Elles sont toujours filles.
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lisette,
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lison.

LA SUIVANTE., flattant Arlequin.

AIR 019 Mon père je viens devant vous ou Je suis encor dans mon printemps (d'une Folie)

Puisque Mahomet ici-bas
Vient pour y faire un hyménée,
Il ne me refusera pas
De joindre aussi ma destinée
A celle de quelque garçon :
J'en veux un de votre façon.

ARLEQUIN.

AIR 073 Ce n'est point par effort qu'on aime ou Amis, dans ce charmant bocage.

Un brunet toujours prêt à rire
Dès demain sera ton époux.
J'entends du bruit, je me retire.
LA PRINCESSE.
Ne vous éloignez pas de nous.
ARLEQUIN.
Non. Mais au roi vous pouvez dire
Que je veux disposer de vous.
(Il se retire)
 
 

Scènes XI à XIII

 


SCENE XI

LA PRINCESSE, LA SUIVANTE, LE ROI, LE KAM.

LE ROI, présentant le Kam à la princesse.

AIR 003 Quand je tiens de ce jus d'octobre ou Je l'ai planté, je l'ai vu naître.

Ma fille, recevez l'hommage
D'un coeur qui vous est destiné.
LA SUIVANTE, d'un ton ironique.
O le gracieux personnage
Que vous nous avez amené!

LE KAM, à la princesse.

AIR 026 Et zon, zon, zon, Lisette ma Lisette.

Que je prends de plaisir
A vous voir si gentille!
Je sens un grand désir
D'entrer dans la famille.
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lisette,
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lison.

LA SUIVANTE, au roi, toujours ironiquement;

AIR 046 de Joconde

Vous ne pouviez choisir , seigneur,
Un gendre plus aimable ;
Il est fait pour toucher un coeur.
LA PRINCESSE, à part.
Qu'il est désagréable!
LA SUIVANTE.
Mais le prophète Mahomet,
A cet hymen contraire,
Vient de nous déclarer tout net
Qu'il prétend le défaire.

LE ROI, avec étonnement

AIR 011 Le fameux Diogène.

Que dites-vous, ma mie?
Parlez-moi, je vous prie,
Un peu plus clairement.
Ce discours m'inquiète :
Vous avez au prophète
Parlé ?...
LA SUIVANTE.
Dans ce moment.


AIR 032 On n''aime point dans nos forêts ou Chantez, dansez, amusez-vous. (d'Une Rosière)

Du prince de Perse, dit-il,
Je fais l'époux de la princesse.
C'est un prince galant, gentil,
Digne en un mot, de maitresse.
LE ROI.
Tout cela ne sent rien de bon :
Ce Mahomet est un fripon.


AIR 002 Quand le péril est agréable ou En vain, la fortune ennemie.

Quoi! malgré ma garde nombreuse,
Malgré tous mes soins, cette nuit
Un fourbe ici s'est introduit!
(à la suivante)
Crains pour toi, malheureuse!
LE KAM. (même air)
Oui, vous avez raison, beau-père ;
Mahomet est un scélérat.
LA SUIVANTE, effrayée de ce blasphème.
Ah! n'attirez pas sur l'état
Sa terrible colère!

LE ROI, irrité contre la suivante.

AIR 074 Jardinier ne vois-tu pas.

Vous osez d'un suborneur
Appuyer l'insolence! (au Kam)
Cherchons ce larron d'honneur.
Cherchons, tirons-en , seigneur,
Vengeance, vengeance, vengeance.
LE KAM, répète le dernier vers.
Vengeance, vengeance, vengeance.

Le roi et le kam, le sabre à la main, cherchent partout le faux Mahomet, qui parait en l'air, et qui de son coffre, décharge sur la tête du kam des coups de batte en chantant aussi.


ARLEQUIN.
Vengeance, vengeance, vengeance.

LE ROI et LE KAM. (ensemble)


AIR 075 Poursuivons jusqu'au trépas.

Exterminons aujourd'hui
Ce coquin qui nous outrage!
Exerçons sur lui
Toute notre rage.

Ils continuent à chercher le faux prophète, qui jette sur eux quantité de pétards et d'autres feux d'artifice qui enflamment l'air. On voit en même temps Arlequin dans sa machine qui traverse le théâtre.Il a un pourpoint noir avec un turban, et une longue barbe blanche. Le roi et le kam sont frappés de cette apparition ; et la suivante, profitant de la crainte dont elle voit le roi saisi , lui dit :



LA SUIVANTE.
AIR 076 Vous qui vous moquez par vos ris ou Rendez-moi mon écuelle de bois.

Au lieu d'offenser Mahomet
Faites ce qu'il désire ;
Vous verrez un bonheur parfait
Régner dans votre empire.
LE ROI.
Hé bien, j'y consens : c'en est fait.
Il faut donc me dédire.

(au kam)

AIR 017 des Trembleurs.

Prince, notre résistance
N'est qu'une vaine défense ;
Et vous voyez qu'elle offense
Le patron des musulmans.
Allez, croyez-moi, mon frère,
N'irritons point sa colère;
Il faut pour le satisfaire
Rompre nos engagemens.

LE KAM, en se frottant les épaules.

AIR 077 La verte jeunesse ou Au clair de la lune.

Tout franc, votre fille
Etait bien mon fait ;
Et j'étais un drille...
Mais votre valet :
Puisque le prophète
En agit ainsi,
Je vais sans trompette,
Déloger d'ci.

Le kam fait la révérence au roi et à la princesse, et s'en va.

SCENE XII.

LE ROI, LA PRINCESSE, LA SUIVANTE.

LA SUIVANTE, apostrophant Mahomet.

AIR 042 Comme un coucou que l'amour presse ou Jupiter, prête-moi ta foudre.

Mahomet, que ton courroux cesse ;
On va suivre tes volontés :
Tu vois que notre roi s'empresse
A reconnaitre tes bontés.

LE ROI, apostrophant aussi Mahomet.

AIR 036 Je ne suis né ni Roy ni Prince ou De tous les capucins du monde.

Ma sacrilège résistance
N'excitera plus ta vengeance.
Par Médine j'en fais serment,
Ville où les musulmans fidèles,
Avec un saint empressement,
Vont voir tes dépouilles mortelles.

SCENE XIII.

LE ROI, LA PRINCESSE, LA SUIVANTE, ARLEQUIN, LE PRINCE DE PERSE.


Arlequin, qui a tout entendu, profitant de la disposition où il voit l'esprit du roi, sort d'un bosquet où il a transporté le prince de Perse, et s'avance avec lui vers le monarque.



LE ROI, se jetant aux pieds du faux Mahomet.
AIR 016 Je reviendrai demain au soir.

Vous me voyez à vos genoux.
ARLEQUIN
Bon roi, relevez-vous. (bis)
LE ROI,
Moi, qui vous ai tant offensé...
ARLEQUIN.
Laissons là le passé. (bis)

(présentant le prince.)


AIR 003 Quand je tiens de ce jus d'octobre ou Je l'ai planté, je l'ai vu naître

Voici l'époux de votre fille,
Du roi de Perse unique fils.
Pour recruter votre famille
Il a le mérite requis.


AIR 012 Réveillez-vous, belle endormie.

Ne l'acceptez-vous pas pour gendre?
LE ROI.
Je le reçois de tout mon coeur,
De votre main on doit tout prendre.
ARLEQUIN.
Oui, foi de prophète d'honneur!

Le prince de Perse tombe aux genoux du roi de Basra, qui l'embrasse.

LE ROI.

AIR 073 Ce n'est point par effort qu'on aime ou Amis, dans ce charmant bocage.

Héritier d'un célèbre empire,
Pour moi, quelle félicité!...
LE PRINCE.
Grand roi, que ne pouvez-vous lire
Dans le coeur d'un prince enchanté!...
LE ROI, à la princesse.
Avec plaisir, tu dois souscrire,
Ma fille, à ce charmant traité.

LA SUIVANTE, au roi.

AIR 078 Voici les dragons qui viennent.

Oh! sans peine à cette affaire
Son coeur se résout!
LA PRINCESSE.
J'y consens, pour satisfaire
Le grand prophète et mon père.
ARLEQUIN.
Et vous itout (bis)

LE ROI.

AIR 048 Bannissons d'ici l'humeur noire ou Tout est charmant chez Aspasie.

Que cette nuit on chante, on danse.
LA SUIVANTE.
Mahomet, dédaignerez-vous
D'honorer de votre présence
L'hymen de ces jeunes époux ?

ARLEQUIN.

AIR 079 Talalerire.

Non, vraiment ; et je veux , poulette,
Etre sur terre ton mari.
LA SUIVANTE.
Que dîtes-vous, ô grand prophète!
ARLEQUIN.
Tu me servira de houri.
LA SUIVANTE, lui passant la main sous la barbe.
Le grand Mahomet aime à rire.
ARLEQUIN.
Talaleri, talaleri, talalerire.

Une troupe d'esclaves et d'eunuques viennent former une danse qui finit la pièce.


FIN D'ARLEQUIN MAHOMET.

 

Date de dernière mise à jour : 19/10/2023